Magali Coldefy & Coralie Gandré, chercheuses, IRDES
« L’Atlas de la santé mentale peut alimenter les diagnostics partagés des PTSM«
Un ouvrage a été publié en mai sur l’Atlas de la santé mentale en France. Comment complète-t-il la version numériqueprécédemment mise à disposition ?
Le développement d’un Atlas de la santé mentale a initialement été envisagé afin de faciliter l’accès aux données disponibles pour alimenter les diagnostics partagés des projets territoriaux de santé mentale, en lien avec l’Agence Régionale de Santé Provence Alpes Côte d’Azur et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du Ministère en charge de la santé. L’idée d’un Atlas numérique a d’abord été privilégiée, en collaboration avec l’équipe Atlasanté. Il s’agit d’une base de données territorialisée qui rassemble plus de 350 indicateurs pouvant être mobilisés dans l’élaboration et le suivi des diagnostics partagés (https://santementale.atlasante.fr). L’ouvrage « Atlas de la santé mentale en France » vient, dans un second temps, compléter cet outil interactif par une analyse descriptive de la situation française réalisée à partir de ces informations. L’ouvrage se veut comme une mise en perspective de ces nombreuses données, permettant également d’aborder les sujets non couverts par les données statistiques. Il est présenté sous forme de chapitres thématiques qui documentent les prises en charge et l’offre disponible en tenant compte des situations spécifiques, et notamment celles de populations vulnérables du fait de leur âge ou de leur milieu de vie. Ainsi, il permet de mieux appréhender les enjeux actuels de la politique de santé mentaleen France.
Pourquoi et comment les professionnels de la santé mentale peuvent-ils utiliser cet outil ?
Les disparités territoriales observées dans l’Atlas peuvent en partie être justifiées par des réponses à des besoins différents selon les territoires. Cependant l’ampleur des disparités de prises en charge ne peut s’expliquer exclusivement par des disparités de besoins et appelle à questionner les pratiques et leur pertinence. L’Atlas permet de diffuser des données probantes et de relativiser certaines situations. Les professionnels de la santé mentale n’ont souvent pas le temps et les moyens d’observer la situation avec du recul, de prendre connaissances des pratiques des autres acteurs ou des autres territoires, et ont peu d’accès à la formation. L’Atlas leur permet d’obtenir des informations générales sur les autres pratiques possibles, et de se positionner par rapport aux autres.
Comment les acteurs peuvent-ils se procurer des données pour le pilotage local/territorial de leur action, en particulier les acteurs de la politique de la ville et les coordonnateurs des Conseils locaux de santé mentale ?
La version numérique de l’Atlas permet de faire varier l’échelle géographique pour chacun des indicateurs d’offre ou de prise en charge disponibles. Ces indicateurs peuvent ainsi être mobilisés par les acteurs au niveau des territoires qui les concernent, que ce soit à l’échelle de la commune, du territoire de vie, du département ou de la région. Ils peuvent également être comparés aux valeurs nationales ou à celles d’autres territoires. Cela permet aux acteurs d’obtenir une analyse objective de la situation dans leur territoire et de prendre connaissance d’initiatives et de dispositifs émergents.
Concernant l’actualité, quelles sont vos principales conclusions tirées dans le cadre de l’étude COCLICO ?
Le projet COCLICO (Coronavirus Containment Policies and Impact on the Population’s Mental Health) vise à évaluer les effets du confinement lié à l’épidémie de Covid-19 sur la santé mentale, les facteurs associés et leur évolution au cours du temps. A cette fin, une enquête internet en trois vagues a été diffusée auprès d’un échantillon de personnes de 18 ans ou plus, représentatives de la population française vivant en ménage ordinaire en France métropolitaine. L’exploitation des données de la première vague menée du 3 au 14 avril 2020 montre la survenue d’une détresse psychologique chez un tiers des répondants, dont 12 % présentent une détresse d’intensité sévère. Si le fait d’être exposé au Covid-19 constitue un facteur de risque, les conditions et conséquences du confinement semblent jouer le rôle le plus marqué. Ainsi, les personnes bénéficiant d’un faible soutien social, celles confinées dans des logements sur-occupés et celles dont la situation financière s’est dégradée sont les plus à risque de survenue de détresse psychologique. Le contexte de crise renforce également des vulnérabilités préexistantes relatives à l’état de santé mentale : les femmes et les personnes ayant eu des soins de santé mentale dans les douze mois précédents sont plus impactées. Les personnes vivant avec une maladie chronique sont également à risque, ce qui pourrait être lié à des difficultés d’accès aux soins au cours du confinement qui seront explorées dans les vagues suivantes de l’enquête. Nos résultats encouragent le développement d’actions ciblées à destination de ces populations, que ce soit pour favoriser leur accès aux soins de santé mentale ou pour modérer l’impact social et économique de nouvelles mesures de confinement si elles devaient être reproduites (les mesures massives de chômage partiel semblent en particulier avoir pu jouer un rôle protecteur).
Voir les résultats de l’étude COCLICO ici. |