Deux matinées dans un CLSM : le CLSM des CA de Lens-Liévin et Hénin-Carvin

Cette visite est le second des trois déplacements entrepris par Rémi Descamps, alors stagiaire au Centre, et consistant à aller « sur le terrain » pour observer des exemples d’activités des CLSM ; ici, d’un groupe d’échange sur des situations complexes liées au logement.

En ce qui me concerne, comprendre ce qu’est un CLSM a aussi impliqué d’aller sur le terrain, de se fondre dans le quotidien d’un CLSM en tant qu’observateur participant. Et de découvrir, en même temps qu’un CLSM et sa coordinatrice, à quel point les réalités locales en santé mentale sont différentes d’un CLSM à un autre, malgré une démarche de “décloisonnement” commune.

Entamant cette démarche, j’ai pu me rendre à deux reprises au CLSM de Lens-Hénin, ou plus précisément au CLSM des communautés d’agglomérations de Lens-Liévin et de Hénin-Carvin, coordonné par Séverine Lambin. J’ai ainsi assisté, à deux reprises, à un groupe d’échange du CLSM mis en place dans le cadre de la plateforme « Logement d’Abord ». Il s’agit d’aborder, avec de multiples partenaires issus de différents secteurs, des situations complexes liées au logement, dans le parc social.

Cette “Commission” s’inscrit dans l’un des axes de travail majeur du CLSM de Lens-Hénin. Et pour cause : le CLSM est adossé à une association – cas assez rare pour être souligné – nommée “Le Cheval Bleu”, à Bully-les-Mines, qui intègre une forte action en la matière : résidence “accueil”, appartements associatifs, appartement “bilan”, hébergement d’urgence, ou encore Commission logement.

L’un des psychiatres de l’association, qui en compte deux, de même que quatre psychologues et huit infirmiers psychiatriques, de même qu’un SAMSAH possédant un agrément pour s’”occuper des handicaps psychiques”, entre autres, m’a expliqué la genèse d’une telle Commission. Selon lui, les bailleurs sociaux, du fait de leurs représentations sociales de la psychiatrie et de la santé mentale – à l’image de la population générale -, auraient tendance à désigner les troubles psychiatriques comme responsables de toute problématique liée au logement.

Le Cheval Bleu, dans ces conditions, vise à étendre le champ de réflexion : “un problème que l’on considère comme psychiatrique a peut-être d’autres composantes dans l’environnement de vie, dans l’exclusion, dans la santé physique…” – autrement dit, dans les déterminants globaux de la santé. Autrement dit, il s’agit de discuter des locataires “problématiques” en prenant en compte les individus dans leur globalité, et non en les classifiant en “fou/pas fou”- en l’occurrence, “irresponsable/fait exprès”. Pour ce faire, la Commission réunit plusieurs expertises : l’expertise du handicap psychique, bien sûr, mais aussi celle du logement, de l’insertion professionnelle et sociale, etc, ce qui permet une “vision en stéréo” des problématiques.

En fin de compte, cette concertation pluridisciplinaire permet de proposer des solutions qui ne sont pas nécessairement liées au soin : il peut aussi s’agir d’une action sur les conditions de vie, d’une reconnaissance du handicap qui permet un accès aux droits, etc. En somme, d’un accompagnement personnalisé adapté à chaque situation individuelle, à l’historique de la personne et à son environnement.

De fait, le changement de paradigme opéré par le groupe d’échanges est aussi à l’origine du Cheval Bleu, créé en 2004. L’association est notamment née du constat, selon mes interlocuteurs, d’hospitalisations “sociales”, en psychiatrie, c’est-à-dire que des individus se faisaient hospitaliser pour rompre leur solitude, pour trouver des interlocuteurs. De fait, l’association a été, dès sa genèse, ouverte à tous et sans conditions, avec notamment un “Club” ouvert tous les après-midi, lieu d’accueil des usagers et point de contact informel avec les équipes du Cheval Bleu. L’initiative a fait florès : après l’ouverture du Club et la création du Cheval Bleu, les hospitalisations ont diminué sur le territoire : les personnes “pouvaient être entendues, mises en valeur, et retrouver une identité ; elles pouvaient remettre en ordre un logement, retrouver une activité professionnelle […]”.


Le CLSM lui-même a été créé en 2015 suite à un appel à projets lancé par l’ARS – il a fallu, néanmoins, attendre 2018 pour que soit nommée sa coordinatrice actuelle. Il s’est donc inscrit dans le prolongement de la démarche du Cheval Bleu, à plus grande échelle – celle de deux communautés d’agglomération, regroupant au total 368 000 habitants.

Il s’est depuis lors inscrit dans une forte dynamique locale en santé mentale, mettant en évidence et favorisant le partenariat des acteurs locaux en la matière, qui ne se limitent pas au champ sanitaire – puisqu’il s’agit d’adopter une approche globale de la santé mentale.


De manière non exhaustive, nous pouvons citer les centres communaux d’action sociale (CCAS),les bailleurs sociaux, l’Éducation Nationale et, plus spécifiquement, le bureau d’accueil et d’orientation (BAO) du CH d’Hénin-Beaumont, le Pôle de réhabilitation intersectorielle de Bully-lesMines, le Centre de Psychothérapie “Les Marronniers”, l’UNAFAM, ou encore un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) et des Groupes d’entraide mutuelle (GEM), dont celui de Liévin, qui est parrainé par Le Cheval Bleu.


Ainsi, le CLSM de Lens-Hénin, en dépit de ses spécificités liées à la fois aux spécificités locales et à son ancrage associatif, illustre bien la philosophie commune des CLSM – une approche partenariale, où le décloisonnement du secteur sanitaire permet d’adresser tous les déterminants de la santé mentale, une action active en faveur de la déstigmatisation des troubles psychiques, de l’insertion des usagers dans la cité et de l’accès aux soins pour tous et toutes.