Mercredi 15 Avril 2020 – Actualité législative – Droits des Patients – Majeur protégé – Ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique
Au JORF n°0061 du 12 mars 2020 a été publiée l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique. Les deux objectifs majeurs du texte sont l’harmonisation des dispositions entre les Codes (notamment entre le Code civil et le Code de la santé publique pour les droits des usagers) et le renforcement de l’autonomie de la personne protégée.Comme souligné dans le rapport au Président de la république, les dispositions du Code de la santé publique visent de manière générale « le représentant légal » pour l’exercice des droits, sans précision de l’étendue de la mesure de protection (assistance juridique ou représentation de la personne). Les modifications apportées par l’ordonnance au sein du CSP viennent préciser la qualité du « représentant légal » mettant fin à certaines incertitudes.Une distinction claire est opérée entre la « représentation » et » l’assistance de la personne » : le texte précise, pour viser le tuteur, » mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne », et « mesure de protection juridique avec assistance à la personne » pour le curateur, pour le mandataire.
Par ailleurs, cette ordonnance vient renforcer les droits des majeurs protégés atténuant le rôle de la personne chargée d’une mesure de protection juridique et replaçant les majeurs protégés en tant qu’acteurs des décisions les concernant.L’exercice du droit à l’information, du droit de consentir – parmi les dispositions phares – ne présente plus l’alternative entre l’exercice de ce droit par la personne (sous entendue majeure et capable) – ou son représentant légal (tuteur) mais, en premier lieu, l’information de l’intéressé, qu’il soit majeur capable ou majeur incapable, prévoyant une information adaptée aux capacités de compréhension pour la personne protégée, et en deuxième lieu, celle de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne.
- La situation de la personne âgée de plus de 18 ans : le majeur « capable » (au sens du Code civil, disposant pleinement de la « capacité juridique »)
- La situation de la personne n’ayant pas atteint l’âge légal de la majorité : la personne mineure ( « incapable mineur »), représentée par les personnes titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur
- La situation de la personne protégée en raison de l’altération de ses facultés de discernement et de compréhension : le majeur protégé ( « incapable majeur »)
Le droit à l’information médicale des majeurs protégés était en effet exercé par le tuteur, au même titre que les mineurs qui se voyaient représenter par les personnes titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur.
« Cette information est également délivrée à la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. Elle peut être délivrée à la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec assistance à la personne si le majeur protégé y consent expressément. ».
– Le recueil du consentement du patient
« Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur si le patient est un mineur, ou par la personne chargée de la mesure de protection juridique s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur protégé, le médecin délivre les soins indispensables. »
Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance, la personne chargée de l’assistance peut accéder à ces informations avec le consentement exprès de la personne protégée. «
Auparavant, l’article L.1111-14 disposait : « Le dossier médical partagé est créé sous réserve du consentement exprès de la personne ou de son représentant légal. »
De fait, ipso facto l’accord émanait du représentant légal sans information ni recueil de l’avis de l’intéressé majeur protégé.
Désormais, le législateur consacre l’ouverture automatique du dossier médical partagé sauf opposition du majeur protégé mais également de la personne chargée de la mesure de protection.
Les nouvelles dispositions sont rédigées comme suit :
L’ordonnance a également modifié plusieurs dispositions relatives aux recherches biomédicales :
– Accès aux informations à la majorité de la personne mineure – « Lorsqu’à la date de la fin de la recherche, la personne mineure qui s’y est prêtée a acquis la capacité juridique, elle devient personnellement destinataire de toute information communiquée par l’investigateur ou le promoteur « – Article L.1122-2 du CSP.
– Intervention du Conseil de famille, s’il est constitué, pour une personne majeure – » Lorsqu’une recherche impliquant la personne humaine est effectuée sur une personne majeure faisant l’objet d’un mandat de protection future, d’une habilitation familiale ou d’une mesure de tutelle, avec représentation relative à la personne, l’autorisation est donnée par la personne chargée de la représenter. Toutefois, si le comité mentionné à l’article L. 1123-1 considère que la recherche comporte, par l’importance des contraintes ou par la spécificité des interventions auxquelles elle conduit, un risque sérieux d’atteinte à la vie privée ou à l’intégrité du corps humain, l’autorisation est donnée par le conseil de famille s’il a été constitué ou par le juge des tutelles » – Article L.1122-2 du CSP.
– La procédure de règlement amiable en cas d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales
L’obligation d’information en cas de dommages liées aux soins se voit étendue, toujours dans la continuité des modifications apportées par cette ordonnance, à la personne protégée.
Cette obligation avait été posée en 2002 au sein de l’article L.1142-4 du Code de la santé publique :
« Toute personne victime ou s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou, le cas échéant, son représentant légal, doit être informée par le professionnel, l’établissement de santé, les services de santé ou l’organisme concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage.
Cette information lui est délivrée au plus tard dans les quinze jours suivant la découverte du dommage ou sa demande expresse, lors d’un entretien au cours duquel la personne peut se faire assister par un médecin ou une autre personne de son choix. »
L’information sera délivrée à la personne victime (ou s’estimant victime), à ses ayants droit (en cas de décès), à son représentant légal (si elle est mineur), et si la victime est un majeur protégé, la personne chargée de la mesure de protection doit également être informée.
La personne qui s’estime victime d’un préjudice du fait d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins peut également saisir la Commission Régionale d’Indemnisation et de Conciliation.
Instaurée par la loi 2002-303 du 04 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, la Commission Régionale d’Indemnisation et de Conciliation se présente comme une alternative préalable à la procédure contentieuse devant les juridictions permettant dans un premier temps à la personne qui s’estime victime d’un préjudice d’avoir un avis sur les causes, conséquences des dommages d’une action liée aux soins, et de se voir proposer une indemnisation.
L’ordonnance vient décliner les personnes habilitées à saisir la Commission, en incluant désormais la personne protégée, précisant que si la victime est un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation, la personne chargée de cette mesure peut également saisir la commission. – Article L.1142-7 du CSP.
– Les programmes d’éducation thérapeutique
» La mise en œuvre du programme d’apprentissage est subordonnée au consentement écrit du patient ou de ses représentants légaux » précisait l’article L.1161-5 du Code de la santé publique.
Désormais, la personne chargée d’une mesure de protection juridique donnera son consentement seulement si le majeur protégé n’est pas apte à exprimer s volonté, et toujours en tenant compte de son avis : » s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne qui n’est pas apte à exprimer sa volonté, de la personne chargée de la mesure de protection juridique, en tenant compte de son avis« .
II – Modifications des dispositions du Code de l’action sociale et des familles
Le Code se voit modifié par la préoccupation de recentrer la place du majeur protégé dans le système décisionnel en envisageant la représentation par la personne chargée d’une mesure de protection juridique dès lors que l’intéressé n’est pas apte à exprimer son avis et en prévoyant toujours l’obligation de tenir compte de l’avis de la personne protégée.
* La personne âgée faisant l’objet d’une mesure de protection juridique sera ainsi invitée à donner son avis pour l’échange d’informations entre professionnels prenant en charge l’intéressée pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie – Article L.113-3 du CASF : » Lorsque l’intéressé fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne et n’est pas apte à exprimer sa volonté, la personne chargée de la mesure ou, à défaut, la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 du même code est compétente pour consentir aux échanges d’information mentionnés au deuxième alinéa du III de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, en tenant compte de l’avis de la personne protégée. »
* Le législateur insiste à trois reprises sur le recueil de l’avis de la personne handicapée dans le cadre du droit à la compensation de la personne prenant en compte ses besoins et ses aspirations. – Article L.1114-1-1 du CASF.
De même les décisions relatives au plan d’accompagnement global doivent prendre en compte l’avis de la personne protégée.
L’ancienne rédaction de l’article L.146-9, deuxième alinéa, » les décisions relatives au plan d’accompagnement global ne sont valables qu’après accord exprès de la personne handicapée ou de son représentant légal » est remplacée par la disposition suivante : « les décisions relatives au plan d’accompagnement global ne sont valables qu’après accord exprès de la personne handicapée ou de son représentant légal s’il s’agit d’un mineur ou, s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne qui n’est pas apte à exprimer sa volonté, de la personne chargée de cette mesure, en tenant compte de l’avis de la personne protégée« .
* L’accès aux origines personnelles du majeur protégé lui est directement ouvert, ce dernier étant habilité à présenter lui-même une demande d’accès à la connaissances des origines de l’enfant devant le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles.- Articles L.147-2, L.224-7 du CASF
NB : L’article 32 de l’ordonnance indique en effet que » A l’article L. 147-2 du même code, les mots : «-s’il est majeur placé sous tutelle, par son tuteur ; » sont supprimés« . Précision nécessaire car la version en ligne du Code sur Légifrance n’a pas encore été mise à jour..
* L’avis de la personne protégée doit être pris en compte dans les préférences d’établissements ou de structures susceptibles de l’accueillir qui ont été indiquées par la personne chargée d’une mesure de protection juridique auprès de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées – Article L.241-6 du CASF.
=> Lien pour accéder au rapport du Président de la république : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041711947&categorieLien=id
=> Lien pour accéder au texte : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041712000&categorieLien=id