Créer un CLSM : une démarche locale, collective et engagée 

Penser la santé mentale comme une affaire de territoire 

Créer un conseil local de santé mentale (CLSM), ce n’est pas simplement mettre en place un nouveau dispositif. C’est faire le choix d’une approche fondée sur la participation, la coopération entre institutions et la reconnaissance du vécu comme savoir. C’est vouloir inscrire la santé mentale dans la vie locale, en croisant les regards et les expériences. 

Mais comment passe-t-on de l’idée à la mise en œuvre concrète d’un CLSM ? Voici les grandes étapes d’une démarche souvent unique, toujours collective. 

Une idée qui peut venir de partout, mais ne se concrétise pas seule 

Tout commence par une intuition : 

« Et si un CLSM permettait de mieux répondre aux enjeux de santé mentale sur notre territoire ? » 

Cette idée peut émerger d’une élue locale, d’un professionnel de santé, d’une actrice associative, d’un habitant. Elle peut naître d’un constat partagé : un mal-être croissant, un manque de coordination, une absence d’espaces de dialogue. 

Mais une chose est essentielle dès le départ : un CLSM ne peut pas se créer seul. Même si l’impulsion initiale peut venir de n’importe qui, la suite du chemin dépend de la capacité à rassembler les acteurs clés. Quatre piliers doivent être dans la boucle dès le début : 

  • Les élus locaux, porteurs de la dimension politique et territoriale du CLSM 

  • Les représentantes de la psychiatrie publique, garantes de l’articulation avec les soins 

  • Les personnes concernées par des troubles psychiques, qui partagent leur vécu et leur connaissance des réalités concrètes du quotidien 

  • Les proches aidantes et aidants, qui vivent aux côtés de la personne concernée et dont l’expérience propre est essentielle pour comprendre à la fois les besoins des personnes accompagnées et les réalités du rôle d’aidant 

Sans leur engagement, pas de CLSM possible. C’est sur cette alliance fondatrice que repose toute la suite. 

Dès cette étape, les acteurs mobilisés peuvent se structurer en un groupe projet ou un comité technique informel. Cette instance de travail, sans forcément être pérenne ni figée, permet de construire collectivement les premières étapes du CLSM, jusqu’à sa formalisation. 

S’informer, se sensibiliser, se donner un langage commun 

Avant d’agir, il faut comprendre. Créer un CLSM suppose de s’approprier un cadre, des valeurs, une histoire. Pour cela, de nombreuses ressources existent. Des temps d’échange avec le Centre national de ressources et d’appui aux CLSM permettent aussi de poser les bases, de mieux cerner ce qu’est – et ce que n’est pas – un CLSM. 

C’est souvent le groupe projet ou le comité technique formé au démarrage qui s’engage dans cette phase d’appropriation. Ces premiers acteurs s’informent ensemble, croisent leurs regards, et construisent les repères communs qui permettront d’avancer collectivement. 

Cette étape est parfois sous-estimée, mais elle est en réalité structurante. Elle permet de construire une culture commune, sans laquelle la co-construction ne peut réellement s’engager. 

Définir un territoire, poser les bases d’un diagnostic 

Un CLSM n’a de sens que s’il s’ancre dans un territoire réel, vécu, cohérent. Faut-il raisonner à l’échelle d’une commune ? D’une intercommunalité ? D’un secteur psychiatrique ? Il n’y a pas de modèle unique. Le choix doit se faire collectivement, en fonction des dynamiques locales et des coopérations existantes. 

Cette démarche s’accompagne d’un diagnostic. Il ne s’agit pas toujours d’un document technique : il peut s’agir d’un recueil de constats à partir de données existantes, de problématiques identifiées, de ressources déjà mobilisées. Ce travail peut inclure des enquêtes participatives, des rencontres d’acteurs de terrain, ou des espaces de concertation. L’objectif n’est pas d’être exhaustif, mais de disposer d’un premier aperçu partagé de la situation locale, qui permette de justifier la création d’un CLSM et d’identifier sur quels leviers collectifs s’appuyer. Ce diagnostic est évolutif : il pourra être complété ou précisé au fil du temps. 

Formalisation institutionnelle : poser les bases du portage et du financement 

La réussite d’un CLSM repose sur un double leadership institutionnel : celui de la collectivité locale (maire, présidente d’intercommunalité…) et celui du secteur de psychiatrie publique (cheffe de pôle, responsable de secteur…). Il ne s’agit pas simplement d’un engagement individuel, mais bien d’un portage porté au nom de chaque institution. Cet engagement conjoint donne sa légitimité au dispositif, permet d’en sécuriser le fonctionnement, et conditionne la mobilisation des partenaires. 

Ce leadership partagé est essentiel pour garantir l’ancrage territorial du CLSM, sa reconnaissance politique et sa capacité d’action. Il peut se formaliser par une convention, qui précise les rôles, les valeurs, les objectifs et les moyens alloués. Ce document sert aussi de base pour solliciter un co-financement, notamment auprès de l’agence régionale de santé (ARS).  

L’ARS peut être sollicitée à ce moment pour partager les recommandations nationales sur les CLSM, prendre connaissance du diagnostic réalisé et étudier les besoins identifiés. Le financement demandé dépendra des ressources disponibles, des enjeux territoriaux et de la politique régionale.  

La coordination est indispensable pour faire vivre le CLSM au quotidien. Ce poste demande du temps dédié, une reconnaissance institutionnelle claire, et un appui constant de la part des deux institutions pilotes. 

Formalisation opérationnelle : structurer le fonctionnement du CLSM 

Une fois le portage acté, il s’agit de définir précisément le cadre de fonctionnement du CLSM : 

  • Élaboration d’une charte ou d’un document de référence, précisant les objectifs du CLSM, la gouvernance, les modalités de coordination, les ressources mobilisées, les outils d’évaluation, etc. 

  • Mise en place d’un comité de pilotage (COPIL) à dimension stratégique 

  • Organisation d’une assemblée plénière de lancement, moment de présentation publique et de mobilisation élargie 

  • Création de groupes de travail thématiques, en lien avec les priorités identifiées lors du diagnostic ou exprimées en plénière 

Cette étape permet aussi de répondre collectivement à plusieurs questions structurantes : qui préside le CLSM ? Quel temps est alloué à la coordination ? Comment associer les acteurs au comité de pilotage ? Quels espaces pour la participation des habitants et des personnes concernées ? 

Chaque territoire choisit ses modalités. L’important est de définir clairement les rôles, les attentes et les modes de participation. 

Une démarche progressive, à faire évoluer dans le temps 

Il n’existe pas de modèle figé pour créer un CLSM. Chaque territoire invente son propre chemin, selon ses besoins, ses ressources, ses rythmes. Ce qui compte, ce n’est pas de suivre une méthode unique, mais d’être clair sur les objectifs de chaque étape : identifier les bons partenaires, comprendre les enjeux locaux, définir un cadre de fonctionnement, construire une gouvernance, et lancer la dynamique collective. 

Les étapes présentées ici sont fortement recommandées. Elles permettent de sécuriser la démarche, de poser des bases solides et de mobiliser les bons acteurs au bon moment. Elles laissent une marge d’adaptation, mais chacune répond à un objectif précis indispensable au bon fonctionnement du dispositif. 

Un CLSM est toujours en construction. C’est un espace vivant, à entretenir collectivement pour qu’il garde du sens et continue de répondre aux attentes du territoire.